viernes, 23 de marzo de 2012

J'ai visité les caves secrètes du Vatican

Registre des serments de fidélité au pape Innocent VI où figurent les mesures politiques et militaires du cardinal Gil de Albornoz (XIVe siècle).
Registre des serments de fidélité au pape Innocent VI où figurent les mesures politiques et militaires du cardinal Gil de Albornoz (XIVe siècle).AP/DANIELE FREGONESE/VATICAN SECRET ARCHIVES

 - Est-ce le froid qui vous tient figé devant les reliures de parchemin craquelé ? Ou les secrets douloureux de l'histoire de l'Eglise, ceux de l'Inquisition par exemple et de la tragique fin des hérétiques, qui glacent le sang ? Visiter le bunker souterrain des archives secrètes du Vatican, à Rome, intrigue et oppresse.

A perte de vue, béton et rayonnages métalliques : ce bâtiment climatisé et désert, inauguré par Jean Paul II en 1982, est construit sous la cour du musée du Vatican. Cinq mille mètres carrés, en deux étages, enterrés sous le jardin, que parcourent chaque jour des milliers de touristes en visite à la chapelle Sixtine, sans se douter du trésor qu'ils piétinent. Loin des regards, dans le plus grand secret, 85 kilomètres linéaires de documents, du VIIIe au XXe siècle, sont conservés ici. Derrière une cage de fer restent enfermés les volumes interdits de consultation par Jean Paul II, des documents auxquels même les chercheurs accrédités n'ont pas accès.

Benoît XVI a récemment autorisé l'"ouverture" des pièces relatives à l'entre-deux-guerres, de 1920 à 1939. Pour l'après-1939, Mgr Sergio Pagano, préfet des Archives nommé par le pape, se dit optimiste : "On en parle depuis neuf ans. Ce serait un grand bénéfice pour l'Eglise de montrer comment Pie XII a fait des efforts pour arrêter la guerre."
Une volonté d'ouverture qu'illustre, à Rome, au musée du Capitole, la première présentation publique de cent documents décidée par le Vatican. L'exposition était inaugurée mercredi 29 février, sous le titre "Lux in Arcana". Mgr Pagano explique la décision papale : "Nous y réfléchissions depuis plusieurs années, multipliant les réunions à ce propos. Nous avons décidé d'être courageux et de déployer au grand jour cent documents. Cent cinquante personnes ont travaillé au projet. Le choix du musée du Capitole garantit des horaires d'ouverture plus larges et permettra d'accueillir un plus grand nombre de visiteurs."
Parchemins, manuscrits, volumes anciens reliés de cuir ou de bois, bulles papales, cette exposition qui veut faire la "lumière sur les arcanes" révèle les archives secrètes du pape. Entendre par "secret", qualificatif retenu depuis le XVIIe siècle, la traduction du mot latin secretum, c'est-à-dire "privé".
Au musée du Capitole, la scénographie, dans la pénombre, éclaire les seuls documents montrés sous verre, accompagnés d'un appareillage numérique pointu, qui fait défiler les textes en les grossissant et les replace dans le fil de l'histoire. Parmi les sept sections qui rythment le parcours, "Tiares et couronnes", "Dialogue des religions", "Secrets des conclaves", "Sciences", philosophes et inventeurs, la plus attendue est celle consacrée aux hérétiques.
La pièce la plus spectaculaire est le rouleau de parchemin de 60 mètres de long relatant le procès des Templiers. Y sont portées les 231 dépositions recueillies par l'Inquisition, entre 1309 et 1311, pour répondre à la bulle Faciens Misericordian, de Clément V. Un parchemin de 50 centimètres, aux feuillets cousus couverts d'une petite écriture régulière à l'encre noire. Les Templiers avaient été arrêtés, en France, le 13 octobre 1307, sur ordre de Philippe Le Bel. Accusés d'hérétisme, sodomie, baisers immoraux, idolâtrie, 54 d'entre eux furent brûlés vifs. Le parchemin de l'interrogatoire de Jacques de Molay, le grand maître qui s'est rétracté à Chinon, en 1308, sous la torture, est présenté à part, avec une enluminure le montrant, en 1314, dos à dos sur le bûcher avec son "complice", Geoffroy de Charney.
Autres documents prenants, ceux des procès du dominicain Giordano Bruno, en 1593-1597, "l'hérétique impénitent, pernicieux et obstiné", dont la langue fut tendue sur un mors et la gorge serrée dans un anneau métallique, ou la bulle de Léon X prononçant, en 1521, l'excommunication de Martin Luther.
Plusieurs lettres témoignent de l'avancée des sciences et des déboires des savants à faire accepter les nouvelles théories. La pétition de Nicolas Copernic, alors qu'il a 69 ans, à Paul III, c'est-à-dire en 1542, pour autoriser le jeune Jan Loytz à travailler à ses côtés. Galilée aura moins de chance : il n'échappa à la condamnation qu'en se rétractant. Il faut voir ces mots écrits d'un trait sûr, parfois ponctués d'arabesques chez Galilée ou rédigés de manière très moderne chez Erasme qui, en 1524, dans une lettre à Gian Matteo Giberti, évêque de Vérone, dit regretter la violence des attaques contre Luther.
Il y a aussi ces sceaux majestueux de cire rouge, voire d'or, comme celui qui accompagne la ratification du concordat de Napoléon Bonaparte scellant la liberté de culte en France. Ou le cachet d'or de Clément VII pour le couronnement de Charles Quint, qui venait d'être élu empereur du Saint Empire. Une occasion sans doute unique d'admirer ces fragiles trésors. La numérisation des archives secrètes du Vatican est en marche.

"Lux in Arcana, les archives du Vatican révélées", musée du Capitole, 1 piazza del Campidoglio, Rome, Italie, jusqu'au 9 septembre. Tous les jours sauf le lundi, de 9 heures à 20 heures. De 10 à 12 €. Catalogue en anglais et italien, 224 p., 14 € (Palombi Editori).

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